"Mini-laboratoire à domicile, connecté pour les patients suivant un protocole de chimiothérapie"

"Mini-laboratoire à domicile, connecté pour les patients suivant un protocole de chimiothérapie"

Le titre de cet article est le nom d'un appel d'offre public paru au BOAMP le 3 mars 2017 et lancé par le "réseau des acheteurs hospitaliers d'Ile de France" pour le compte de TerriSanté.

SIL-LAB Experts n'est de loin pas un lanceur d'alertes et nous sommes résolument tournés vers l'innovation qui apporte des améliorations dans le parcours de soins, dans la prise en charge des patients, dans la qualité et la performance globale de la biologie médicale. Pourtant, en lisant le titre de cet appel d'offre qui aurait plutôt du m'enthousiasmer, mon inconscient à tout de suite détecté les incohérences majeures de ce titre.

Depuis quelques années et surtout depuis la réforme de la biologie médicale, les laboratoires de biologie médicale ne sont plus petit, encore moins "mini", et laboratoire est toujours suivi du terme médical quand il s'agit de santé humaine, c'est dans la loi ! Ce titre avait forcément été trouvé par des personnes qui n'avaient aucun contexte de ce qui a été imposé par l'état aux laboratoires de biologie médicale ces 10 dernières années, des exigences de qualité que les différents gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont imposés aux laboratoires de biologie médicale afin d'améliorer la prise en charge des patients.

La profession s'est engagée dans une démarche extrêmement coûteuse et contrainte pour atteindre cet objectif partagé qui demande par exemple à un LBM (Laboratoire de Biologie Médicale) de vérifier très régulièrement l'étalonnage des automates en interne et avec des contrôle de qualité externes sous peine de fermeture. Les laboratoires de biologie médicale Français ont accepté d'entrer dans une démarche d'accréditation ISO-15189 alors qu'aucun autre pays n'est allé jusqu'à l'accréditation, préférant rester au niveau d'un agrément dans le meilleur des cas. La différence est subtile pour un profane et certainement incompréhensible pour l'auteur de cet Appel d'Offre !

Les LBM Français se sont non seulement pliés à cette accréditation mais sont devenu les plus performant du monde d'un point de vue analytique ! En effet, la structure de coût d'un LBM Français se décompose en 40% des coûts liés aux phases analytique et postanalytique et 60% des coûts liés à la phase préanalytique. Le choix actuel de faire réaliser la majorité des prélèvements par des sites périphériques de proximité est un choix français que l'on peut comparer à une organisation Allemande ou le prélèvement est réalisé directement par le médecin (et donc imputé au médecin). Ainsi, si on compare les coûts analytique des LBM Français à ceux des LBM Allemand, les laboratoires Français sont beaucoup plus performant sur la phase analytique pour un niveau de qualité bien plus élevé (accréditation à la place d'agrément).

Au travers de cet appel d'offre, le GCS SESAN, pilote des projets TerriSanté, pourtant financé par le Ministère de la Santé, décide de faire table rase non seulement de toute la législation et de toute la réglementation, mais surtout de la sécurité pour le patient ! La validation biologique des résultats est certainement le principe le plus important de l'accréditation d'un LBM. Aucun résultat ne doit être transmis à un médecin sans validation biologique, celle-ci actant de la prise de responsabilité d'un biologiste médicale sur la justesse des résultats. Le GCS SESAN décide pourtant d'envoyer des résultats et de faire prendre des décisions à des médecins sur la poursuite des séances de chimiothérapie des patients sur la base d'un "mini-laboratoire" qui n'a rien de médical. Nous nous inquiétons pour rien, l'appel d'offre précise que "l'avis implique un accord cadre"...qui permet certainement de s'affranchir de toute accréditation...

Il existe pourtant un modèle pour atteindre les mêmes objectifs de mobilité, de disponibilité presque immédiate du résultat tout en conservant qualité et sécurité pour le patient qui est en cours d'élaboration par le Groupe de Travail Objets Connectés de la SFIL (Société française d'Informatique de Laboratoire) présenté lors du congrès de Chambéry les 9 et 10 mars 2017. Le groupe de travail prône l'utilisation des objets connectés au domicile du patient mais sous contrôle des LBM, avec des objets qui sont vérifiés, voir étalonnés par les laboratoires de biologie médicale et dont les résultats font l'objet d'une validation biologique conformément à la loi. Ce modèle permet de tendre vers le même niveau d'économie pour le parcours de soins tout en assurant qualité et sécurité pour le patient.

Il est temps de donner un coups d'arrêt définitif à tous les objets connectés dont le seul ROI est de s'affranchir de l'expertise médicale. Les objets connectés de santé, qu'ils soient des DM ou des DMDIV peuvent apporter un retour sur investissement en termes de parcours de soins, de quasi instantanéité de production et de transmission des résultats, de prix, tout en restant sous contrôle des responsables humains, experts de leur métier, que l'on appelle des biologistes médicaux, garant de la précision et de la justesse des résultats biologiques à la base de la prise de décisions thérapeutiques lourdes.